Mon premier contact avec un kookaburra

Ce nom rigolo signifie "oiseau trapu de 45 cm de long, d'environ 500 g, avec une grosse tête, un œil marron saillant et un très grand bec pointu", en langue Wikipedia.

AUSTRALIEPREMIER CONTACT2012

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   Au lycée, parmi les matières que je préférais, il y avait la bio. Je m'efforçais d'être attentif à tout, du mouvement des planètes jusqu'aux mitochondries, mais j'étais surtout curieux de ce qui peut être vu et observé à l’œil nu. Ce qui pousse, creuse, saute, courre, vole... Hey, c'est peut-être pour ça qu'un petit malin m'appelait parfois par des noms d'oiseaux ! Cela dit, kookaburra, jamais : il ne devait pas le connaître lui non plus. À cette époque pour moi, ce nom était seulement celui d'une bande-dessinée super classe avec un chevalier-sorcier, des enfants Élus, une prophétie de l’espace, toussa toussa, et ce n'est qu'en arrivant en Australie que j'ai appris que c'était avant tout celui d'un oiseau local en forme de peluche, en gros.

   Ils ne vivent que là-bas (à l'exception d'une île néo-zélandaise où ils ont été introduits et semblent avoir survécu), ce qui peut en faire un genre de symbole du pays pour certains, au même titre que les kangourous, les koalas ou Kylie Minogue. Heureusement, on les distingue facilement, notamment du fait que les kookaburras ne portent pas de bikini à paillettes. Ils ont généralement un plumage de plusieurs couleurs différentes suivant l'espèce, le sexe ou la mode du moment (même si c'est chaque année surtout du brun, du blanc et du bleu), avec une tête disproportionnée qui leur donne une allure trapue et bonhomme. En fait, si tu as déjà vu un martin-pêcheur, tu n'as qu'à en imaginer un en format XL et tu y es presque ! La différence principale, au-delà de leur taille, étant qu'ils se nourrissent surtout de petits rongeurs, ce qui explique qu'on puisse les trouver au creux des forêts et loin des côtes. D'ailleurs si ces drôles de créatures sont appelées aussi les martin-chasseur géants, ce n'est pas pour leur prénom.

   Sinon, voilà une photo que j'avais prise, c'est peut-être plus parlant :

    Au cours des premiers mois de mon premier séjour australien, en 2012, j'en avais déjà appris un peu sur la faune qui m'entourait et j'avais pu rencontrer certains spécimens caractéristiques (dont l'opossum, comme je te le raconte ici !), mais tu en sais maintenant plus sur le kookaburra que moi à ce moment du voyage. Une simple balade en forêt allait me sortir de l'ignorance !

    En mai de cette année-là, je commençais un road trip avec Céline et Malice, deux voyageuses que je venais de rencontrer à Melbourne. C'est super rare de tomber sur une personne avec laquelle barouder se fait entièrement naturellement, sans aucune concession, et c'est encore plus rare de tomber sur deux personnes comme ça quand tu fais partie d'un groupe de trois dans lequel personne ne se connaît ! Pourtant, quelques heures ensemble avaient fait de nous des amis de toujours et nous avions en commun, en plus de connaître en entier les paroles de la chanson Hakuna Matata, l'envie de découvrir ce pays gigantesque au travers de ses paysages, de ses animaux et de la nature en général.

    On voyageait vers l'est, avec comme étapes connues Canberra et Sydney, et c'est en profitant de tous les petits coins sauvages ou préservés qui nous inspiraient entre ces deux villes qu'on s'est trouvés dans la forêt de Minnamurra, dans le Parc National de Budderoo. Il s'agit d'une forêt humide de climat tempéré chaud : la Nouvelle-Zélande en est couverte, mais en Australie on en trouve seulement dans quelques régions méridionales, c'était l'occasion pour nous d'en admirer une de l'intérieur. À l'entrée de celle-ci, comme souvent dans ces deux pays connus pour leur pragmatisme, se trouvaient quelques panneaux explicatifs. L'un d'eux devait indiquer le temps de marche estimé selon les différents sentiers balisés, mais je n'en ai plus aucun souvenir ; on y entrait en sachant qu'on aller aimer s'y perdre tous les trois de toute façon.

    On a marché loooongtemps, on empruntait les sentiers au hasard et on était déjà bien loin du parking ou du centre d'information quand, sans qu'on sache d'où, un rire s'est fait entendre. Ça pouvait venir d'absolument n'importe où, tout ce qu'on voyait à cet instant était limité aux alentours par les troncs épais d'immenses palmiers éventails et de Ceratopetalum apetalum (tu sais, cette espèce d'arbre de la famille des Cunoniaceae ? Non ? Moi non plus, j'avoue m'être aidé d'internet pour celui-là). Étrange. Et, puis quelques pas plus loin, voilà que ça recommence : le même rire se fait entendre, plus fort cette fois ! On n'avait vu personne d'autre depuis le départ, on n'avait croisé que des lézards alors on s'est demandé qui pouvait bien se marrer comme ça, dans un lieu autrement si paisible. Ça a continué, encore et encore, d'ici, de là, tant et si bien qu'on était tous les trois prêts à penser que quelqu’un nous suivait en se bidonnant. On s'est vite sentis moins suivis que cernés d’ailleurs, puisque plusieurs rires semblaient se répondre en venant de différentes directions. Je t’assure que c’est perturbant de marcher dans les bois et d’avoir l’impression qu’on se fout de ta tronche alors que tu ne fais rien de spécial, tu marches pas en chaussons, t'es même pas tout nu, rien.

    On a quand même bien profité de la marche, merci, mais c’est tout à la fin, en revenant au point d’information et en lisant enfin les panneaux, que j’ai réalisé que ce qu’on avait entendu de si insolite était en fait le chant du laughing kookaburra (ou "kookaburra rieur") ! Sérieusement, qui c'est-y qu'a inventé ça, encore ?.. Un petit truc coloré ultra mignon avec une grosse tête ronde de personnage de dessin-animé, qui rigole toute la journée, sans même qu'on ait besoin de lui appuyer sur le ventre ? C'est complètement adorable ! Ce n'est pas très très facile de prendre le chant d’un oiseau en photo ou de te le décrire autrement que comme un rire, mais pour te donner une idée, la plupart des kookaburras font aussi des bruits de bébé. Ou de singe. Ou de bébé singe qui rie. On en entend dans plusieurs films (comme dans certaines scènes des Tarzan avec Johnny Weissmuller, même si l'action a lieu au Congo et que ces oiseaux n'y vivent pas) mais le plus simple, c’est peut-être que tu écoutes l’intro de Lioness Eye, l’excellent morceau d’ouverture de l’excellent album Spirit Bird, le petit bijou musical de l’excellent artiste australien Xavier Rudd. Je te suggère même d'écouter tout l’album, si tu veux voyager un peu !

    Depuis cette découverte insolite, j'en ai revus souvent, des kookaburras. Parfois de près, car ils sont assez peu craintifs, et je peux affirmer avec plaisir que cet oiseau fait partie de ceux que j’aime le plus apercevoir et prendre le temps d'observer. Même qu'avec le temps, j'ai développé la certitude qu’un jour où je rirai fort dans une forêt, un kookaburra viendra me parler et on deviendra super potes, lui, ma licorne et moi.